Policy Brief 2 Mars 2022

Contexte

L’agriculture conventionnelle intensive est l’une des causes fondamentales du réchauffement de la planète et de la perte de biodiversité. L’extension de l’urbanisation et l’intensification de l’utilisation des terres pour l’agriculture ont considérablement contribué aux émissions de gaz à effet de serre1, avec pour conséquence une augmentation de la perte de biodiversité2. Quarante pour cent des terres de l’UE sont utilisées pour l’agriculture3, dont les pratiques intensives sont identifiées comme l’un des principaux facteurs de dégradation des sols4.Le scénario actuel va s’aggraver sans une nouvelle approche de l’agriculture. Le bien-être des agriculteurs, la préservation de la nature et la lutte contre le changement climatique sont profondément liés. Par conséquent, la promotion d’une transition durable de notre système alimentaire exige que les politiques de l’UE soient intersectorielles, et l’agriculture régénérative possède cette approche à grande échelle. Le projet RegAgri4Europe demande des politiques qui permettent une approche cohérente et ferme pour remodeler les systèmes agricoles.

A propos de l’agriculture régénérative

L’agriculture régénérativeest un ensemble de principes et de pratiques agricoles visant à assurer la régénération des sols et la protection de l’environnement, principalement par l’augmentation de la biodiversité et de la matière organique du sol, et par la séquestration du carbone dans le sol.Les principes de base qui guident la gestion des systèmes régénératifs sont la régénération des sols et la protection de l’environnement, la productivité et la rentabilité économiques, le bien-être humain et l’impact social positif. En tant que telle, l’agriculture régénérative s’appuie sur les fondements de la norme écologique, qui concerne principalement la qualité des produits, et impose un ensemble de normes éthiques et de qualité supplémentaires :

•Investissements agricoles, acquisitions et gestion des déchets Chaînes de production et de distribution

•Santé et fertilité des sols

•Droits et bien-être des animaux, et

•Qualité de vie des agriculteurs

Ces principes permettent de réduire la dégradation des sols et d’inverser l’impact causé par des années de gestion intensive des terres, en gardant à cœur le bien-être des agriculteurs et des animaux dans un système symbiotique.Toutefois, les cadreslégislatifs actuels empêchent cette approche innovante de s’imposer pleinement.

De l’importance d’un cadre réglementaire cohérentet orienté vers lefutur

Comme l’a soulignéle premier Policy Brief de ce projet, l’agriculture conventionnelle intensive est l’une des causes profondes du réchauffement climatique et de la perte de biodiversité. De plus, les indicateurs de 2016 montraient déjà que plus de 80 % de toutes les terres de l’UE touchées par une érosion modérée à sévère des sols étaient des zones agricoles et des prairies naturelles5.

Malgré cette situation préoccupante, les cadres politiques existants empêchent l’agriculture régénératrice d’être adoptée à grande échelle, car ils manquent de cohérence, d’ambition et d’efficacité.

  1. Le Green Deal européen publié en 2018 a certainement motivé la réforme du cadre législatif existant et la Commission a travaillé sur de nouvelles propositions législatives pour atteindre les objectifs ambitieux fixés. Les deux initiatives centrales pour l’agriculture sont la stratégie « de la ferme à la fourchette « 6, qui favorise la transition vers un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement, et la stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 20307, qui vise à inverser la dégradation de l’écosystème. Toutefois, hormis la révision de la directive sur l’utilisation durable des pesticides, la Commission n’a pas exprimé l’intention de poursuivre d’autres objectifs juridiquement contraignants, mais a invité les États membres à atteindre les objectifs communs par le biais de leurs plans stratégiques de la PAC8. En ce qui concerne le changement climatique, avec la loi européenne sur le climat9, l’UE s’est fixéecomme objectif de parvenir à des émissions nettes nulles d’ici 2050.En conséquence, des propositions visant à aligner la législation existante sur les nouveaux objectifs ont été publiées10, mais le cadre législatif européen actuel en matière de climat restera pratiquement inchangé jusqu’en 2031.
  2. La PAC 2014-2020 n’a pas réussi à soutenir les agriculteurs qui se lancent dans des pratiques plus durables telles que l’agriculture régénérative, selon différentes estimations11. Bien qu’elle ait fourni des instruments politiques pour favoriser la transition, les choix de mise en œuvre effectués au niveau national et régional étaient à courte vue et privilégiaient la contrôlabilité à l’impact12. Le nouveau modèle de mise en œuvre (« plans stratégiques nationaux ») de la politique agricole commune (2023-2027) réduit considérablement l’impact que l’UE pourrait avoir pour mener la transition vers un système agricole respectueux du climat, des sols et de l’environnement. Il est très probable que les États membres donneront la priorité à leurs propres objectifs, tandis que les mécanismes de performance et de responsabilité existants pourraient ne pas suffire à promouvoir les objectifs environnementaux et climatiques fixés13. Les éco-régimes, introduits dans la PAC 2021-2027, et l’initiative « Carbon Farming », qui vise à promouvoir la « séquestration du carbone par les agriculteurs et les forestiers »14, sont des outils prometteurs récemment introduits.

En novembre 2021, la Commission a publié la stratégie de l’UE en faveur des sols pour la période 203015, dont la mise en œuvre devrait permettre de surmonter l’absence actuelle de définitions, de systèmes de surveillance etd’objectifs communs en matière de protection des sols au niveau de l’UE, et une nouvelle initiative législative sur les sols sera présentée d’ici 2023.

En prévision de cela, le projet RegAgri4Europe souhaite rappeler que les institutions doivent soutenir les agriculteurs qui se lancent dans des pratiques plus durables comme l’agriculture régénérative par le biais de politiques qui agissent comme un « filet de sécurité » pour leur permettre d’expérimenter de nouvelles approches.

Recommandations

La législation de l’UE doit être plus ambitieuse pour libérer le potentiel que les nouvelles approches agricoles ont pour contribuer à atteindre les engagements que l’UE a annoncés. À cet égard, le projet RegAgri4Europe formule les recommandations suivantes : 

  1. Les politiques doiventêtre cohérentes et adopter une approche holistique. Elles doivent être de grande envergure et prendre en compte le commerce, l’alimentation, l’agriculture, l’environnement et le climat, qui sont des questions gravement liées entre elles.
  2. L’UE doit fixer des objectifs clairs et définir des cibles juridiquement contraignantes qui puissent garantir le respect des engagements pris.
  3. Les objectifs ne sont pas suffisants sans de solides mécanismes de suivi et de sauvegarde. Les systèmes de surveillance des sols et des émissions de GES doivent être améliorés. L’UE, par le biais de la nouvelle directive sur les sols, devrait également définir des définitions communes pour la santé des sols et d’autres questions liées aux sols.
  4. La transition de notre système alimentaire nécessite un soutien public. L’adoption de pratiques et de modèles agricoles alternatifs nécessite des investissements importants de la part des agriculteurs, ce qui constitue un obstacle à la transition. La diffusion de l’agriculture régénératrice ne peut réussir qu’avec un soutien économique des institutions européennes et nationales. Les gouvernements nationaux devraient utiliser les mesures politiques que la nouvelle PAC prévoit pour aider les agriculteurs à couvrir les coûts que la transition implique. Dans le même temps, la Commission européenne devrait encourager les États membres à se conformer aux recommandations établies et à veiller à ce que les fonds disponibles dans la nouvelle PAC soient investis dans les pratiques agricoles régénératives.
  5. L’adoption d’une nouvelle approche de l’agriculture nécessite également un changement de mentalité culturelle. Les agriculteurs doivent être dotés des compétences nécessaires pour mettre en œuvre des pratiques agricoles régénératrices. Une partie des fonds devrait donc être allouée à des possibilités de formation avec des experts afin que les agriculteurs puissent assimiler l’expertise nécessaire.

Les défis auxquels l’UE, et le monde entier, sont confrontés exigent des politiques de grande envergure capables d’identifier des outils et des objectifs cohérents avec les besoins et les défis que les différents secteurs rencontreront de plus en plus fréquemment dans les années à venir. Cependant, les politiques seules ne contribueront pas à une solution efficace si les outils et les mécanismes promus ne jettent pas les bases d’un changement culturel qui réinitialise la relation existante que nous entretenons avec la nature.

Un élément de réparation, de reconstitution ou d’amélioration est au cœur de l’agriculture régénérative. Plus qu’une approche technique, il s’agit d’une philosophie, d’une approche holistique et d’un mouvement social, où l’agriculteur est le gestionnaire et l’intendant de la terre. L’application à grande échelle de ce mouvement social contribuerait massivement au traitement positif desproblèmes environnementaux actuels et desproblèmes socio-économiques qui en découlent. Cependant, seul un cadre politique/réglementairesolide sera en mesurede transformer l’agriculture régénératrice d’une approche avant-gardiste de l’agriculture, réservée à quelques exemples vertueux, en une approche bien connue capable de réformer le secteur agricole.

Bibliographie et références
  1. Dale VH. The Relationship Between Land-Use Change and Climate Change. Ecol Appl. 1997;7(3):753-769. doi:10.1890/1051-0761(1997)007[0753:TRBLUC]2.0.CO;2
  2. 2IPBES. The Global Assessment Report on Biodiversity and Ecosystem Services -Summary for Policymakers.; 2019. www.ipbes.net. Accessed May 11, 2021.
  3. AgriCaptureCO2. D2.1 EU and UK Policy Context for Regenerative Agriculture. 2021.
  4. UNCCD. Global Land Outlook -First Edition. Bonn, Germany; 2017. www.unccd.int. Accessed September 29, 2021.
  5. EUROSTAT. Agri-environmental indicator –soil erosion. 2020. https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Agri-environmental_indicator_-_soil_erosion&oldid=473348#Analysis_at_EU_and_country_level
  6. European Commission. Farm to Fork Strategy.https://ec.europa.eu/food/horizontal-topics/farm-fork-strategy_en
  7. European Commission. EU Biodiversity Strategy for 2030. 2020.https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:a3c806a6-9ab3-11ea-9d2d-01aa75ed71a1.0001.02/DOC_1&format=PDF
  8. AgriCaptureCO2. D2.1 EU and UK Policy Context for Regenerative Agriculture. 2021.
  9. Regulation (EU) 2021/1119 of the European Parliament and of the Council of 30 June 2021 Establishing the Framework for Achieving Climate Neutrality and Amending Regulations (EC) No 401/2009 and (EU) 2018/1999 (‘EuropeanClimate Law’).10
  10. European Commission. Proposal for a REGULATION OF THE EUROPEAN PARLIAMENT AND OF THE COUNCIL amending Regulations (EU) 2018/841 as regards the scope, simplifying the compliance rules, setting out the targets of the Member States for 2030 and committing to the collective achie. 2021. https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/revision-regulation-ghg-land-use-forestry_with-annex_en.pdf.European Commission. Proposal for a REGULATION OF THE EUROPEAN PARLIAMENT AND OF THE COUNCIL amending Regulation (EU) 2018/842 on binding annual greenhouse gas emission reductions by Member States from 2021 to 2030 contributing to climate action to meet commitments under the. 2021. https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/proposal-amendment-effort-sharing-regulation-with-annexes_en.pdf.
  11. Alliance Environnement. Evaluation Study of the Impact of the CAP on Climate Change and Greenhouse Gas Emissions.2018.Augier J, Papuchon J, Devot A, et al. Evaluation Study on the Impact of the CAP on the Sustainable Management of Soil. 2020.
  12. Alliance Environnement. Evaluation of the Impact of the CAP on Water.; 2019. https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/9789c658-545a-11ea-aece-01aa75ed71a1/language-en/format-PDF/source-search. Accessed September 29, 2021
  13. European Court of Auditors. Opinion No 7/2018: Concerning Commission Proposals for Regulations Relating to the Common Agricultural Policy for the Post-2020 Period.; 2018.
  14. European Commission. A Farm to Fork Strategy for a fair, healthy, and environmentally-friendly food system. 2020.https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:ea0f9f73-9ab2-11ea-9d2d-01aa75ed71a1.0001.02/DOC_1&format=PDF
  15. European Commission. EU Soil Strategy for 2030. 2021. https://ec.europa.eu/environment/publications/eu-soil-strategy-2030_en.
RegAgri4Europe en bref

Nom du projet

RegAgri4Europe –

Améliorer le secteur agricole grâce à des compétences en agriculture régénérative

Consortium

-CEFE International (Germany)

-Safe Food Advocacy Europe (Belgium)

-Schloss Tempelhof e.V. (Germany)

-Skybridge Partners (Greece)

-Agricultural University of Patras (Greece)

-ACQUIN (Germany)

-AKMI (Greece)

Durée

01.01.2021 –31.12.2022

Source de financement

Commission européenne

Programme Erasmus+

Action clé2: Partenariats stratégiques pour l’enseignement et la formation professionnels

Site

webwww.regagri4europe.eu

Contact

Coordinatrice duprojet:

Laura Dorn

dorn@cefe.net

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